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Cinéma chinois
4 novembre 2006

J 3 : De Zhang Hanzi à Wu Wenguang

Vendredi 25 octobre, ma participation au Festival s’est étendue de 15h10 à 21h45 environ. Au programme : un docu-fiction, un documentaire, quatre courts-métrages et enfin encore un documentaire.

Le premier film, Tang Tang de Zhang Hanzi, m’a beaucoup touchée, tant par le travail précis et très maîtrisé du réalisateur que par la personnalité attachante de Tang Tang. Le portrait plein d’humanité fait de cet acteur transsexuel commence pourtant très violemment. La scène d’ouverture coupe littéralement le souffle (elle a coupé le mien en tous cas…). On voit Tang Tang en train de se maquiller dans un lieu ressemblant aux vestiaires d’une piscine désaffectée (il s’agit en fait d’anciens Bains publics). La complicité entre le sujet du film, Tang Tang, et le réalisateur, Zhang Hanzi, est patente dès le début, construisant le film sur un dialogue permanent entre eux. Le regard vide, Tang Tang demande une cigarette à son ami et s’assoit sur un tabouret en expliquant que cet endroit, dans lequel il n’était plus venu depuis l’enfance, lui rappelle l’âge révolu où la question de son identité ne s’était pas encore posée. Puis il sort un fusil et, sans laisser le temps à son ami de réagir, le place dans la bouche et tire… Puis commence dans un long flash back l’histoire de Tang Tang. Tang Tang est en fait le nom de scène de ce jeune homme qui,  contrairement à Xiang Xiang dans Our Love, assume très bien son identité d’homme aimant les hommes et ne cherche pas à se faire passer pour une femme ailleurs que sur scène. Personnage doté d’un grand charisme que l’on suit dans ses spectacles, il ravit le public de ses tenues époustouflantes, de ses chorégraphies dansées avec grâce et surtout de son humour fin et efficace. Car Tang Tang est avant tout un acteur de talent, revendiquant une filiation avec Mei Lanfang, acteur travesti de l’Opéra de Pékin du début du 20e siècle. La question me taraude tout le long du film : comment un être semblant si bien dans sa peau et assumant si bien son identité peut-il finir par se suicider ? Ce n’est qu’à la fin que je découvre ma grande naïveté ! Eh, oui ! Zhang Hanzi le farceur a tenu à brouiller les cartes en orchestrant un faux suicide. N’ai-je pas dit qu’il s’agissait d’un docu-fiction ? Et qui mieux que Tang Tang pouvait jouer un tour pareil ? Bref, en sortant de ce film, on se sent un peu idiot, tout en étant secrètement soulagé que Tang Tang ne se soit pas suicidé… Mais mélanger documentaire et fiction ne nuit-il pas au documentaire, surtout quand l’un et l’autre ne sont pas clairement identifiés ? C’est là que se pose la question de la légitimité même du genre du docu-fiction. Ainsi ai-je pu entendre une personne dire sa grande déception en voyant Tang Tang, reprochant les moments de fiction du film. Genre hybride, le documentaire doit encore trouver sa place et conquérir son public. Pour ma part, plutôt que de considérer que le docu-fiction nuit au documentaire, je trouve au contraire que la fiction renforce ce dernier en apportant des questionnements non exprimés et en mêlant la voix du réalisateur à celle du sujet pour mieux révéler le regard propre du créateur. Car il serait de toute façon naïf de croire qu’un documentaire réalisé dans la plus pure tradition offre un regard objectif de son sujet, le documentaire réussi étant au contraire une prise de position de son réalisateur.

Et puisqu’on parle de « bon » documentaire, à Tianli de Song Tian peut offrir ici un modèle du genre ! Song Tian a décidé de poser sa caméra à Tianli, dans le Heilongjiang, village dans lequel on s’apprête à élire le nouveau chef du village et son « conseil municipal ». Pour replacer ce documentaire dans son contexte, disons simplement que Wu Wenguang a invité 10 jeunes cinéastes à faire de leur premier film un documentaire sur le déroulement des élections dans le village de leur choix, le tout dans le cadre d’une opération de promotion de la démocratie locale organisée conjointement par l’Union européenne et la Chine (j'essaierai de consacrer ultérieurement un article plus long sur ce sujet). Le documentaire de Song Tian s’inscrit dans ce programme et nous livre la vie d’une communauté de villageois oscillant entre le goût du débat et du jeu démocratique, et le scepticisme. On peut même parler d’un certain désabusement quand on entend un des villageois dire que de toute façon, ça ne sert à rien puisque le pouvoir est entre les mains des cadres du Parti et qu’eux, ils ne sont pas élus mais désignés par leurs pairs… Mais cette réalité ne suffit pas à troubler la bonne humeur des villageois qui s’offrent à l’occasion de ces élections une bonne dose d’effervescence. Ce qui nous offre à nous le plaisir de savourer quelques tranches de vie de ces Chinois joueurs et parieurs que le jeu de l’élection enivre comme une bonne partie de Mah-jong. Et bien sûr, celui qui gagne invite les autres à manger ! « Corruption ! » crieront certains, mais comment parler de corruption quand il ne s’agit finalement que d’un petit jeu sans conséquences…

Après ce riche documentaire, j’ai pu assister à la projection d’une série de quatre courts-métrages. Si Tang Tang et Tianli m’ont fait écrire plus que de raison, je n’aurai aucun mal à être plus brève ici.

Depth of the Hypnogenesis de Ni Keyun, est un film qu’on ne peut comprendre qu’à condition d’avoir quelques clés. Ainsi, si l’on ne comprend pas que le militaire est le même personnage que l’homme nu derrière le mur, on passe forcément à côté de quelque chose. Mais même si la folie transparaît très bien, ce petit film donne l’impression de receler de codes et de symboles à décrypter : Pourquoi les hommes de l’autre côté du mur sont-ils dénudés ? Que signifie le clairon ? Et cette télévision allumée et qui ne fonctionne pas ? Quant au symbole militaire et aux représentations du Parti, qu’a voulu dire l’auteur par là ? Autant de questions sans réponse qui laissent la profane que je suis sur sa faim…

Liquefaction de Zhu Li est plus à voir qu’à comprendre. C’est le spectacle d’une eau noir submergeant lentement le paysage alentour. Intéressant.

In the Sky de Qiu Anxiong est un film d’animation qui, sur Danse de la fée Dragée de Tchaïkovsky, part d’un tableau de paysage traditionnel chinois avec montagnes et eau pour montrer sa lente dégradation par les ravages de la pollution sur l’environnement, mêlant magie et art du dessin. Je ne sais pas s’il s’agit du même Qiu Anxiong qui a fait Jiangnan Poem, mais In the Sky m’a plus touché, bien que les deux films s’inscrivent tous deux dans un hymne à la Nature.

History of Chemistry de Lu Chunsheng m’a laissée perplexe. Les images en noir et blanc sont d’une grande beauté, mais le scénario me semble un peu vide et traîne en longueur. Il me semble qu’il ne suffit pas de faire un film absurde pour évoquer l’absurdité. Dommage…

Enfin, probablement un des meilleurs moments que j’ai passé au Festival, le documentaire Dancing with Farmworkers de Wu Wenguang. Filmant le projet de la chorégraphe Wen Hui, Wu Wenguang suit un groupe de trente ouvriers débauchés de leurs chantiers respectifs à Pékin pour participer à un spectacle de danse moderne devant apporter une vision nouvelle sur le monde ouvrier. Je ne sais pas si le pari aura été tenu, mais une chose est sûre : on peut lire dans les yeux de ces ouvriers, au début sur leurs gardes, un vrai changement : le sentiment qu’on s’intéresse à eux, un regain d’estime dans leurs propres compétences et au final, un vrai sentiment de fierté. Avec le talent et la discrétion de Wu Wenguang, on perçoit toute l’humanité de ce projet dont l’initiative visant à redonner la parole à ces oubliés de la croissance contraste avec les intentions inavoués du projet Villagers’ Documentary Film. Beaucoup d’émotions dans ce film qui est probablement celui qui porte en lui le message le plus positif : quand on accorde sa confiance à des gens oubliés du système et qu’on leur donne la parole, on obtient de l’Art !

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Commentaires
B
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