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Cinéma chinois
5 novembre 2006

J 4 : De Hu Min à Han Huiyuan

Au programme de samedi 28 octobre, documentaires et vidéos expérimentales.

L'après-midi s'ouvrit sur The Vociferous Malu (喧嚣的马路) de Hu Min, autre jeune réalisateur auquel Wu Wenguang a demandé de réaliser son premier documentaire sur le processus électoral dans les campagnes. Et Hu Min n'a pas choisi un sujet facile pour débuter puisqu'il a posé sa caméra dans le village de Malu (province du Hubei) dans lequel de violentes manifestations (utilisant des moyens extrêmes comme le suicide est-il écrit dans le programme du Festival) avaient eu lieu en 2004 contre les cadres du villages. A tel point que le Premier ministre, Wen Jiabao, avait dû intervenir. Ce qui explique d'ailleurs certainement que Hu Min ait pu filmer : l'affaire de Malu ayant de toute façon déjà été médiatisée à l'époque (bien que je n'ai pu en trouver aucune trace sur le Net, les liens existant n'étant plus valides...), autant autoriser la caméra pour montrer avec quelle civilité on règle les problèmes à Malu ! Cela dit, si je ne me fait aucune illusion sur les suites démocratiques du conflit (il n'y a qu'à voir avec quel mépris ce cadre traite une villageoise qui doit passer sa journée à lui courir après et qui n'obtient la signature attendue semble-t-il depuis longtemps que grâce à l'opiniâtreté de cette femme et probablement aussi grâce au concours de la caméra !), l'atmosphère électrique du village permet à Hu Min de capter à la fois la grande colère des habitants face à leurs représentants corrompus, et de saisir également quelques dérapages de la part de ces cadres tentant de faire bonne figure. Beaucoup de choses pourraient être dites sur ce film, et une fois encore, j'essaierai de développer le sujet dans un prochain article. Toutefois, je me dois de justifier ici mon scepticisme pour ne pas qu'il soit perçu comme du cynisme de ma part. Le problème de ce documentaire est qu'il fait appel à des connaissances de la Chine et de son régime sans lesquelles il est difficile de discerner tous les enjeux. Plusieurs personnes m'ont d'ailleurs interrogée à la sortie du film pour avoir quelques explications, ce qui prouve l'importance des non-dits pour décrypter ce film. Par exemple, de quoi accuse-t-on les cadres ? Bien que ce ne soit pas dit, le film s'ouvre par un paysan exprimant sa désillusion : "De toute façon, y a plus de terre à cultiver !". Le problème en Chine, c'est d'abord le manque de terre à cultiver, puis la corruption. La réappropriation des terres des paysans, sans compensation, par les cadres du village pour les vendre ensuite à des promoteurs immobiliers peu scrupuleux et empocher un juteux pot-de-vin est chose malheureusement courante en Chine. Quelle que soit la réalité de ce qui s'est passé à Malu, on sent bien ici que des faits similaires ont eu lieu. Autre question qui revient, les cadres étaient-ils vraiment corrompus ? Bien que je ne puisse en juger, la colère des habitants suffit à en témoigner me semble-t-il. Pourtant, les cadres accusés ont accepté une confrontation, filmée qui plus est ! N'est-ce pas une preuve de bonne foi et de démocratie ? Assurément pas ! L'affaire ayant déjà été médiatisée, il est important de redorer le blason de Malu, d'où la présence consentie de la caméra. Mais chassez le naturel, il revient au galop ! Ainsi, devant la parole libre des paysans, et très certainement perçue comme arrogante de la part des "chefs", un des cadres perd son calme et propose en réunion de profiter de la confrontation prévue dans l'école du quartier pour relever les noms de ceux qui "dépasseraient les bornes" et arrêter ces gêneurs... Ca ne vous rappelle rien ? Alors, si au final l'élection a bien lieu dans le calme, c'est sous l'escorte de dizaines de policiers armés... Voilà donc un film qui mériterait débat...

La deuxième séance de ce samedi était sur le thème de l'éducation en Chine.
Factory College de Huang Jiabo, est une vidéo de 3mn décrivant sur un mode absurde l'automatisation d'une éducation déshumanisée où les élèves se voient comparés à des ouvriers travaillant à la chaîne. Vidéo très réussie j'ai trouvée !

Puis vint le documentaire Senior Year de Zhou Hao. Ce film décrit la dernière année de lycée de la classe n°7. Dès la première réunion de rentrée on comprend que toute cette année sera tournée vers le fameux sésame pour l"université : l'examen de fin d'études. On peut comparer cet examen à notre baccalauréat, à ceci près qu'il s'agit d'un concours, le classement déterminant l'orientation des élèves. Les parents sont mis aussi à contribution, devant favoriser un cadre familial harmonieux. On leur demande même de ne pas entamer de procédure de divorce cette année là ! Efforts et sacrifices sont demandés aux élèves, sur les épaules desquels on peut difficilement imaginer le poids de la charge. Entraînant les élèves comme à l'armée, les professeurs cherchent à mener ces petits soldats à la victoire dans ce qu'ils qualifient eux-mêmes de "guerre sans arme". Ce document nous permet également de voir les conditions d'études peu enviables de ces Chinois pourtant privilégiés : sur des bureaux surchargés de livres, les étudiants qui ont à peine la place d'écrire, récitent bruyamment leurs leçons ! (Dire qu'une discussion un peu animée à la BU suffit à me déconcentrer... Chapeau !) "吃苦" est une expression récurrente dans le film, ce qui signifie littéralement "manger de l'amertume" et que l'on pourrait traduire par "en baver". Pour autant, malgré le discours difficile du professeur principal, Wang Jinchun, on voit l'affection qu'il porte à ses élèves, n'hésitant pas à prendre sur son temps pour remotiver et encourager les plus fragiles à grand coup de couplets de Qi Qin ! Car l'humour et la tendresse ne manquent pas dans ce documentaire, bien que montrant la violence d'un système dominé par la compétition et le stress.

La troisième séance fut consacrée à sept vidéos expérimentales : A Number of Twinkling Is Streching To Night et Pose de Chen Xiaoyun, Chinese Ants, City in my Eyes et New Culture de Liu Xun, Numéro 2003 de Wang Jingsong et Feng Jiangzhou et enfin City Scene de Zhao Liang. Je ne ferai pas de commentaire sur chacune de ces vidéos cette fois-ci, mais simplement un commentaire global. Je retiens avant tout la créativité de ces réalisateurs qui ont chacun une vision artistique propre. Un bémol toutefois pour l'ensemble de ces courts-métrages, la longueur... Une fois qu'une idée originale est trouvée, elle est étalée inlassablement pendant de longues minutes sans que la pertinence artistique me saute aux yeux. En même temps, je ne suis probablement pas la mieux placée pour en parler. Un public averti et amateur appréciera sans doute davantage...

Enfin, Dough Men de Han Huiyuan est un documentaire voulant raconter la vie d'un homme vivant de la vente de figurines en pâte à sel, en se faisant passé un jour pour paralysé des jambes (il utilise alors un fauteuil roulant), un jour sourd-muet, un autre aveugle. J'avoue ne pas avoir compris l'intérêt de ce film au sujet assez creux. C'est une des rares déceptions de ce Festival, par ailleurs riche en bonnes surprises. Si un bon documentaire c'est un film dans lequel le réalisateur construit son sujet en l'interrogeant et en assumant un point de vue, on peut dire que Han Huiyuan a raté le coche...

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